Dans cet article, nous vous proposons d’aborder la méthode pour élaborer un projet de parcours à partir d’un diagnostic co-réalisé avec la personne accompagnée. Ces lignes correspondent aux points 7 à 10 de la Méthode MAPPI®.

Prochainement, nous vous proposerons des processus pédagogiques pour Co élaborer avec l’accompagné ; c’est à dire pour faire faire ce travail par l’accompagné lui-même. Cette dernière approche est bien sûr plus efficace en matière d’engagement et d’alliance.

Cet article prend sa source dans l’ouvrage Méthode MAPPI®, publiée aux Éditions QuiPlusEst et est modifié en fonction des apprentissages des travaux effectués depuis sa publication.

Rappel des 10 points de la Méthode

  1. Définir l’objectif final du parcours
  2. Identifier la question problème (la décision centrale)
  3. Poser les éléments de diagnostic
  4. Identifier ce qui est frein et moteur au niveau du parcours
  5. Formaliser un objectif sur chaque frein
  6. Prioriser les objectifs
  7. Repérer l’étape stratégique et la poser sur l’échelle calendaire
  8. Organiser le parcours autour de cette étape selon l’ordre logique des étapes (voir 6)
  9. Combler les « inter-étapes » dans une logique d’efficience
  10. Choisir le parcours préféré

La situation de base de l’exercice :

Prénom : John

Informations en notre possession :

  • Jeune homme
  • Habitant chez ses parents
  • Sorti du système scolaire rapidement
  • N’a jamais travaillé réellement et déclaré (ou ne souhaite pas en parler)
  • Ne possède pas de voiture
  • Voudrait travailler pour quitter ses parents …
  • Aime manger et souhaite faire cuisinier sur les bateaux

Vient sur la structure car au RSA depuis peu.

Résultat de La fiche de synthèse des éléments de diagnostic à l’issue de la séance précédente (parcours sans contrainte) :

Objectif du parcours : Trouver un emploi de cuisinier sur les bateaux

Problématique du parcours : Quel montant de rémunération peut me permettre d’obtenir quel type de logement ?

La mise en correspondance des objectifs et des noms d’étape et ainsi que les opérateurs/actions susceptibles de répondre aux objectifs donne les résultats suivants :

Parcours proposé

La Mise en graphique sur le logiciel

En Parcours visuel : Les écrans sont extraits du Logiciel VisualCourse

La mise sous contrainte

La mise sous contrainte du parcours consiste à rendre le parcours idéal réaliste et réalisable pour permettre à l’accompagné de décider s’il met en œuvre ce parcours à partir des éléments à sa disposition.

Les contraintes sont importantes car elles favorisent la prise de conscience de l’équilibre entre l’espérance de gain (ma projection vers la situation future) et le coût pour y arriver.

Les contraintes sur lesquelles nous pouvons

  • Le délai du parcours
  • La nature des actions
  • La situation géographique des actions pouvant entrainer des difficultés de déplacement, d’organisation de la vie privée bref de changement.

Il ne s’agit pas ici d’élaborer un projet trop complexe mais de permettre à l’accompagné de décider sur la base d’une première vision du parcours de sa faisabilité. On se contentera alors de tracer les grandes étapes, d’y mettre des contraintes et de mesurer les efforts et la faisabilité.

La stratégie de parcours pourra alors être revue, en collaboration avec l’accompagné, afin de rechercher la meilleure façon d’atteindre l’objectif.

Elaboration du parcours sous contrainte (étape 7 à 10 de la Méthode MAPPI®)

Point 7. Repérer la principale étape (ou étape stratégique) et positionner les dates de début et les dates de fin.

Les étapes stratégiques sont celles qui ont les caractéristiques suivantes :

  • Être au cœur de la stratégie de parcours (leur non réalisation remet en question l’ensemble du parcours)
  • Avoir un impact fort sur le changement de situation de la personne
  • Avoir des contraintes externes fortes (dates et places la plupart du temps)

On repère cette étape stratégique pour la poser comme point de repère. Les autres étapes vont s’articuler autour

Dans un premier temps, certaines dates peuvent se poser par habitude (par exemple, les dates de démarrage des formations qualifiantes)

Ensuite, on recherche l’information (internet, catalogue, coup de fil à l’opérateur …)

Pour notre exemple, l’étape stratégique est la Formation qualifiante (CFH). Elle a une durée de 2 mois et d’après nos renseignements démarre

  • en septembre de l’année en cours N (trop tard)
  • en avril de l’année N+1

John est entré dans le dispositif, le 7/11 de l’année N (en cours)

La mise sous contrainte par l’étape stratégique du parcours donne le tableau et le visuel suivants :

En parcours tableau :

En Parcours Visuel :

On le voit ici sur le parcours visuel, les dates de la formation qualifiante viennent perturber largement le déroulement du projet de parcours tel que nous avions pu le penser. La contrainte ici posée va obliger de le remanier tout en essayant de répondre au double impératif de maintenir la cohérence du parcours (l’ordre des étapes) et d’être dans un délais raisonnable.

A ce stade, nous nous permettons d’insister sur l’importance du Visuel dans la matérialisation de la situation pour la personne accompagnée. En comparant les 2 représentations (Tableau et graphique), on voit bien que sur le visuel, les informations nécessaires aux prises de décision (notamment les delais) apparaissent clairement.

Point 8 : Organiser le parcours autour de cette étape selon l’ordre logique des étapes (voir 6)

Calibrer les étapes à durée fixe et mettez les étapes dans un ordre cohérent

Certaines étapes (comme les bilans de compétences) ont des durées fixes et pas de dates de démarrage.

Pour d’autres, c’est vous qui fixez les délais (je/nous donne jusqu’au (date) pour réaliser l’objectif)

Elles peuvent être mesurées en priorité.

Exemple :  Validation de projet (IVP) = 2 mois

Se renseigner sur le logement (Acc.)  = 1 mois

Recherche d’emploi (Acc.) = 3 mois

Notre exemple est entré le 7 novembre N

Il faut respecter la logique de parcours qui consiste par exemple à mettre la recherche d’emploi durable après une formation et/ou un bilan de compétence.

La première étape est donc juste après le démarrage de l’accompagnement donc au début – mi novembre N

Parcours proposé sous forme Tableau

En Parcours visuel

On obtient donc une première ébauche de parcours permettant de visualiser les inter étapes. Il faut maintenant trouver des solutions pour rendre le parcours cohérent.

 

Point 9 : Combler les « inter-étapes » dans une logique d’efficience

Agencer les étapes afin d’optimiser le parcours

Maintenant que les jalons sont posés (date de démarrage du parcours, délais des étapes et étape stratégique), le parcours laisse apparaître des inter étapes.

Les interétapes sont les périodes entre 2 étapes pour lesquelles aucune action ou étape concourant à la réussite du parcours de ne sont prévues

Ces interétapes posent problème à deux niveaux : elles rallongent la durée du parcours et constituent un risque majeur pour le maintien de la dynamique. Ces 2 éléments n’ayant pas leur place dans la réussite d’un projet tel que celui-ci, il s’agit de réduire les temps d’inter étapes[2], et donc de réduire leur influence négative sur le parcours.

Dans notre exemple, la durée de l’interétape est de près de 4 mois (janvier à avril).

Pour réduire les inter étapes, nous vous proposons la règle suivante :

Les étapes individuelles sans contrainte fortes peuvent être agencées pour ajuster le parcours dans l’optique d’éviter les inter- étapes tout en répondant

  • aux objectifs fixés au démarrage
  • à la logique du parcours
  • à la logique de l’accompagnement tendant à éviter « les étapes de complaisance[3]»

Dans l’exemple, une des possibilités est de permettre à notre jeune accompagné d’acquérir de l’expérience professionnelle; de préférence dans le métier visé ou approchant (restauration par exemple), par la mise en place de l’étape « Emploi de parcours » sur le prévisionnel.

Cet étape « Emploi de Parcours » n’est pas une étape de complaisance puisqu’elle contribue à la réussite du parcours. Elle est assez souple pour démarrer quand le projet professionnel sera suffisamment abouti et s’arrêter quand la formation débutera.

De plus, l’acquisition d’expérience peut venir enrichir la candidature pour la formation et servir de complément de validation du projet professionnel.

Dans cette étape sont comprises par exemple et en fonction des besoins de l’accompagné, les actions de Techniques de Recherche d’Emploi, la Recherche elle-même, les périodes d’activité)

Pour une analyse des risques  : un prochain article y sera consacré

Parcours proposé

Ce qui donne en Parcours visuel

Vous pouvez également :

  • Faire chevaucher les étapes (2 maximum) afin de gagner en efficacité (temps ou mobilisation).
  • Attraper les opportunités qui se présentent et regarder de quelle manière cela influence le parcours prévisionnel pour le réajuster ou ne pas saisir l’opportunité.

Nota : l’étape démarre non pas forcément à la date de démarrage effective (ici la prise de poste) mais peut inclure également la recherche inhérente à la prise de poste. Dans un souci d’optimisation du parcours, vous devrez donc anticiper la période de recherche.

Dans notre exemple, la recherche d’un travail saisonnier se fera pendant le chantier d’insertion. L’accompagnant jalonnera donc cette étape de chantier par des actions de recherche faîtes par l’accompagné et soutenu par les équipes d’animation (opérateur et accompagnant).

  • Tenir compte des aléas du calendrier et des phénomènes locaux.

Penser aux vacances (les bénéficiaires et les opérateurs peuvent en prendre)

Penser aux périodes de recrutement durables et intérim

Penser aux effets saisonniers

Etc.…

Point 10 : Choisir le parcours préféré

Le projet de parcours est équilibré :

  • Pas d’inter étape
  • Cohérence avec la fiche de diagnostic
  • Objectifs explicites (objectif final et objectif intermédiaires)
  • Durée de parcours énoncé
  • Stratégie de parcours identifiée

L’ensemble des éléments est ainsi réuni pour la personne puisse prendre la décision de s’engager ou non dans ce parcours. Elle aura ainsi une vision clair et globale de son plan d’action. Elle sait sur quoi elle s’engage. Elle garde sa capacité d’action et de décision.

Elle pourra étudier d’autres solutions de parcours

  • Soit des variantes de celui-ci :
  • Actions différentes liées à l’étape stratégique (d’autres dates, d’autres lieux, etc..)
  • Un enchainement différent des actions
  • Une réduction des délais

On reste alors sur les point 7 à 10)

  • Soit d’autres types de parcours
  • Nouvel objectif de parcours
  • Nouveaux éléments de diagnostic
  • Nouvelle ingénierie

On passe sur l’ensemble des points 1 à 10 sur un autre objet

Ces temps de montage du projet de parcours ne sont pas des pertes de temps mais simplement la mise en place de ses conditions de réussite. Si le cadrage de ce travail est indispensable pour éviter de s’enliser dans des recherches de solutions qui nieraient à l’efficacité de l’activité d’accompagnement, le temps de la réflexion, de la tergiversation, de la mesure du pour et du contre de chaque solution, constitue une situation pédagogique permettant à la personne de s’engager durablement dans le parcours choisi.

 

Fait à Aix en Provence, le 08/09/2017

Pascal Chiucchini