En tant que professeur-chercheur-formateur québécois intervenant régulièrement en France depuis le début des années 80, je peux dire que c’est un réel changement. En effet, alors qu’au Québec il est question depuis près de 3 décennies d’un master « générique » habilitant les conseillers à travailler tout au long de la vie active et productive donc avec toutes les clientèles (jeunes, décrocheurs, chercheurs d’emploi, travailleurs, chômeurs, seniors, retraités, etc.), en France j’ai vite découvert que la formation qualifiante était circonscrite à une fonction précise et à un organisme donné. Ainsi j’ai travaillé auprès des conseillers d’orientation de l’Éducation nationale, des conseillers en insertion des Missions locales, des conseillers en emploi de l’ANPE/Pôle-Emploi, des psychologues du travail de l’AFPA, autant de vases clos, alors que très souvent ces personnes intervenaient sur des enjeux similaires et avec des cadres théoriques complémentaires mais sans jamais se côtoyer (référence, concertation, etc.)
La réalité québécoise a fait en sorte que très rapidement il a fallu, par exemple, voir l’insertion et l’employabilité comme des actions développementales (avec des stades) s’étalant de la naissance à la mort et impliquant de nombreuses prises de décision en lien avec ce qui est appelé la Dynamique Individu-Étude-Travail. Cela m’a amené à opérationnaliser 6 occasions carriérologiques soit : prendre une décision reliée à cette Dynamique, la réaliser, la maintenir, la revoir, en prendre une nouvelle et dénouer l’ensemble de ces décisions. Ces occasions peuvent subvenir ou pas, dans l’ordre ou dans le désordre. Or parmi ces occasions, celle la plus récurrente et constante porte évidement sur le maintien. Pas surprenant alors que le maintien fut déclaré comme un nouveau paradigme pour affronter le 21e siècle.
Des concepts différents
Dans cette infolettre (news comme vous dites), il y a quelques mots avec lesquels je ne suis pas très confortable comme « sécurisation » qui, pour moi, rime avec fragilité, peur et paternalisme et comme « évolution » qui, en ce qui me concerne, connote automatisme et passivité. En effet, en sociopsychologie, le qualitatif « évolutif » est généralement associé aux théories mettant essentiellement l’accent sur l’inné et le génétique telle celle de Freud. On y peut rien sauf accepter et prévenir. Pas très mobilisant pour la personne concernée n’est-ce pas ? Pour ma part, comme « conseiller-carriérologue », je préfère m’appuyer sur des théories cognitivo-développementales telle celle de Piaget du fait qu’elles mobilisent d’avantage le pouvoir d’agir des personnes (empowerment). Alors, au lieu d’évolution professionnelle, je préfère parler de développement professionnel (un développement oscillant entre nul et optimal) voire de gestion de carrière (c’est-à-dire la gestion du tandem Individu-Travail et/ou par son entourage (conseiller, employeur, société) des réalités personnelles et sociales de cet individu telles qu’elles sont et telles qu’elles pourraient devenir).
Une emprise de la pensée
Cependant je reconnais avec respect et ouverture que des mots comme sécurisation et évolution reflètent très bien le fait français, seul pays de l’Occident où domine encore la pensée freudienne et où le travail est décrit par une large partie de son intelligentsia scientifique comme une tare dans « l’évolution » de la condition humaine.
Enfin, j’espère de tout cœur que le mot « automne » ne signifie pas « tout seul » car j’ai récemment démontré qu’il n’y a rien de mieux que des groupes pour pleinement personnaliser et individualiser une démarche personnelle ou d’accompagnement.
Plus d’info : www.jacqueslimoges.com et http://orientaction.ca/billets-de-jacques-limoges.
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